(je dois prévenir que les chapitres sont assez longs et que pour l'instant je n'ai pas encore beaucoup écrit.)
Chapitre 1 : Chamboulement.
Jour 1
C'est le premier jour de la « mission », autant l'appeler jour un, d'autant plus que je ne sais pas quelle est la date, que ce soit dans le calendrier terrestre ou celui de Essan. Mais bon, ceci est censé être le carnet du voyage, alors autant ne pas me répandre en blabla inutile... j'ai tout de même l'impression de tenir un journal intime. Pour le moment, nous sommes juste censés prendre contact avec les autochtones des différents clans. Dans quel but ? On nous a avertis de troubles qui pourraient avoir des conséquences dramatiques pour les mondes. Ça me fait bizarre de dire « les mondes »...
Nous avons donc été chargés d'aller y jeter un œil, et d'agir en conséquence. Nous, c'est bien entendu moi, Alexander, et Jerish du Clan du Loup. Nous venons donc d'arriver sur les terres de son clan, pour que déjà je m'habitue à ce nouveau monde, et ensuite, pour commencer nos recherches.
Essan, c'est le monde où nous avons été envoyé, ressemble assez à la Terre, il y fait peut-être plus chaud mais dans l'ensemble il est semblable. Il y existe plusieurs, cinq en tout, Clans, chacun d'entre eux comporte plusieurs centaines de membres. Les autres sont des Sans Clans, des Parias. Les Cinq ont chacun un animal totem qui d'après Jerish est le Dieu protecteur du clan. Le Clan du Loup a pour dieu Sirish, celui de l'Aigle a Serrawin, celui du Renard a Narethlan, celui du Cerf a Piarin, celui du Requin a Aiem. Les Sans Clans ne vénèrent personne.⁂
Sur le réveil digital, l'heure passa de 06:59 à 07:00, au même moment la sonnerie résonna. Jaillissant des draps, une main appuya sur le bouton « off », puis aux aguets, l'adolescent guetta le moindre bruit venant de la chambre d'à côté. Il y eut juste des ronflements. Il soupira d'un air soulagé avant de se lever en grimaçant. Il faisait froid dans la chambre, et les marques sur son corps lui rappelait la violence de l'homme ivre qui dormait à côté. Il attrapa des habits, sans se soucier de savoir s'ils allaient bien ensemble, avant de se diriger vers la salle de bains. Il resta aussi longtemps que possible sous le jet d'eau, même si ça contribuait à réveiller ses douleurs. Puis il ferma le robinet et sortit. Il regarda son reflet dans la glace et comme d'habitude, il ne lui plut pas. Sa pommette droite avait une teinte violacée due à une gifle, ses lèvres fines abordaient un pli amer, sa mâchoire, trop carrée à son goût était crispée, son nez était légèrement en trompette, ses yeux gris-bleus étaient dénués d'expression, jusqu'à ses cheveux, châtains clairs et courts qui semblaient terne. De carrure il était moyen, peut-être un peu chétif pour ses dix-sept ans. Par ailleurs, son air toujours sérieux le vieillissait beaucoup. Il s'habilla en quatrième vitesse, attrapa de quoi manger sur la route et sortit. En chemin, il croisa d'autres jeunes de son âge, pourtant aucun ne le salua. Eux allaient au lycée, lui se dirigeait vers un garage. Là où il devait bosser pour que son père puisse boire à en être malade autant qu'il le souhaitait. Le garage était déjà ouvert, il était à peine huit heures. Le jeune homme rentra et se dirigea vers l'arrière salle, derrière le comptoir. Max, le propriétaire et mécanicien en chef lui sourit.
-Salut, Alex. Ça va ?
-Ouais, ouais. Il y a quoi à faire aujourd'hui ?
Max garda le silence quelques instants, pendant que Alexander revêtait sa tenue de travail. Comme toujours, il ne posa pas de question sur les marques violacées sur la peau de l'adolescent. Il lui avait plusieurs fois demandé s'il avait besoin d'aide, mais Alex avait prétexté une bagarre.
-Monsieur Lachbach a laissé sa Lexus pour une révision complète, il y a la Golf à finir de préparer.
-Je commence par la Lexus ?
-Oui, je préfère. Le propriétaire de la Golfe ne sera pas de retour avant lundi, alors on a le temps.
-D'accord.
Le quadragénaire regarda avec une mine soucieuse le jeune homme se diriger vers l'atelier. Il s'inquiétait pour lui. Il était trop... sérieux pour son âge.
Alexander commença les révisions par le moteur et soupira en voyant l'état des filtres. Apparemment monsieur Lachbach, non seulement orgueilleux de sa voiture, n'avait jamais entendu parler de la vidange. Il alla donc chercher tout ce qu'il lui fallait et se mit au travail, se concentrant sur sa tâche pour mieux oublier le reste. Il s'appliquait de façon déconcertante, sous le regard bienveillant du garagiste. Il ne fit même pas attention lorsque Max alluma la chaîne hi-fi pour meubler un peu plus le silence. Depuis quelque temps, c'était le jeune Alex qui faisait le plus gros du travail, et il ne s'en plaignait même pas. A midi comme toujours, l'adulte ferma le garage pour la pause déjeuner. Sa maison était reliée à l'arrière-boutique, ce qui lui évitait d'aller trop loin ou de devoir payer son repas. Max se pencha donc sur la voiture.
-C'est l'heure du repas Alex.
-Déjà ?
-Eh oui.
-J'arrive.
Alexander sortit de sous la Lexus et suivit son employeur. Il se lava les mains pendant que Max préparait le repas, puis il mit la table, se comportant comme chez lui. Il savait aussi que la discussion qui allait suivre serait la même que celle des jours précédents. Le repas commença dans le silence.
-Alex.
-Mmh ?
-Es-tu sûr que tout va bien pour toi , chez toi ?
-Oui...
-Tu sais que tu peux m'en parler, je ne te jugerai pas. Je veux juste t'aider.
-Ça va, tout baigne, vraiment.
Il n'avait pas envie d'attirer la pitié de l'homme.
-Ne me dis pas que tu t'es encore battu ?
-Je ne veux pas en parler, Max, vraiment.
-Si tu as des problèmes, tu peux toujours venir ici...
-Je sais, ta porte est toujours ouverte, et je pourrais prendre la chambre de Mark.
-Et comme d'habitude, tu vas me dire que tu y penseras ?
-Exactement.
Max soupira, avant qu'il ne puisse parler à nouveau, la sonnette de l'entrée retentit.
-Je vais voir, fit Alex, trop heureux de cette perche inattendue.
Il posa ses couverts et sortit de la maison pour rejoindre l'atelier. A peine rentré, il sentit le mauvais coup, il n'aimait pas l'apparence des gens qui étaient rentrés. Ils ressemblaient trop à des mafieux.
-Bonjour. On est fermé jusqu'à une heure. A moins que ce ne soit urgent.
L'un des trois hommes le toisa assez méchamment.
-Max ? demanda-t-il avec un rictus.
-Il n'est pas disponible pour l'instant. Je suis son employé. Vous avez un message à lui faire passer ?
L'homme ricana et jeta un coup d'œil à celui qui était le mieux habillé des trois, le chef sans doute, qui hocha la tête. Sans qu'il le voie venir, le ricaneur le frappa au visage avec la crosse de son arme, en plein dans l'ecchymose que son père lui avait faite, coupant la chair. Sous la violence du choc, Alex tomba par terre. Il porta la main à sa joue, quand il la regarda, elle était pleine de sang. L'homme qui l'avait frappé s'agenouilla à côté de lui et lui tira violemment les cheveux afin qu'il lève la tête. Des larmes lui montèrent aux yeux, il battit des paupières. Il ne pleurerait pas. L'homme bien habillé se pencha vers lui.
-Tu lui diras que Sergei est passé prendre de ses nouvelles, et qu'il attend avec impatience de le revoir.
Il lui balança un mouchoir.
-Tu saignes, fit-il avec un sourire. Il ne faudrait pas que ça s'infecte, ça gâcherait un si joli visage.
Il lui tapota l'autre joue, un peu comme on flatte un chien.
-Dis merci, ordonna celui qui le tenait par les cheveux.
-...Merci.
Sergei se releva et s'apprêta à sortir, et son homme de main lâcha Alex, mais il se retourna et fixa le jeune homme.
-Quel est ton nom, petit ?
-Alexander.
-Eh bien, Alex,- je peux t'appeler comme ça ?- Tu me rendras le mouchoir la prochaine fois qu'on se verra.
Il ressortit. Alex serra les poings, de colère. Colère qui retomba lorsqu'il aperçut Max. Ce dernier s'était planqué, mais il ne lui en voulait pas. Le mécanicien l'aida à se relever et grimaça quand il vit la plaie.
-Oh, je suis désolé, Alex. Mais je ne pouvais pas intervenir... pourquoi leur as-tu dit que je n'étais pas là ?
-Ce n'est rien, Max. J'ai pas aimé leurs manières. Qu'est-ce qu'ils te veulent ?
-C'est... à cause de Mark. Il leur devait de l'argent, ou je ne sais trop quoi.
-Si c'est de l'argent qu'ils veulent, donne-leur ma paie, je m'en fous.
-Je ne peux pas faire ça, Alex !
-Bien sûr que si. Ça m'est égal de ne rien gagner du moment qu'ils te laissent tranquille.
Égoïstement, le jeune homme pensait aussi que si jamais il lui arrivait quelque chose, il perdrait le seul endroit qui lui permettait de tenir le coup.
-D'accord, mais à une condition : s'il t'arrive quoi que ce soit, de ce dont tu ne veux pas me parler, tu viens vivre ici. Compris ?
-Oui.
-Bien, allons finir de manger avant de reprendre le travail.
L'incident fut clos. Le reste de la journée se passa tranquillement, Alex eut le temps de finir de faire les révisions de la Lexus avant de s'attaquer à la Golfe. Il avança assez vite dans le travail. Les aiguilles tournèrent, trop vite à son goût, et ce fut l'heure pour lui de rentrer. Il alla se changer puis reprit le chemin de chez lui, tête basse. Il se rendait compte de l'énormité de ce qu'il avait fait. Il ralentit brusquement le pas. Il allait se faire tuer par son père. Il s'arrêta et se laissa tomber sur un banc, faisant fuir deux pigeons apeurés
-Hé merde.
Il sortit un paquet de cigarettes de sa poche et en alluma une.
-Y a quelque chose qui va pas, mec ?
-Hein ?
Alexander releva la tête et dévisagea un adolescent de son âge, qui revenait sans doute du lycée, habillé avec des marques, souriant brun aux yeux gris.
-Je te demandais si ça allait.
-Bien pourquoi ?
-Ça a pas l'air.
-Je viens juste de faire un truc stupide.
L'autre sourit.
-Ça va s'arranger.
Si seulement tu savais, mon pote, tu n'en dirais pas autant, songea Alex tout en recrachant la fumée bleutée.
-Peut-être. Mais ça m'étonnerait.
-Sois pas si défaitiste. Au fait, je m'appelle Damian.
-Moi, c'est Alexander.
-T'es pas au lycée, non ? Je t'y ai jamais vu, remarque, il est assez grand.
Alex sourit.
-Je suis pas au lycée.
-Logique que je t'ai jamais vu alors. Tu fais quoi alors pendant que nous autres on moisit dans une salle de cours ?
-Je suis mécano, au garage de Max.
-Et tu regrettes pas de ne pas aller en cours ?
-Je n'étais pas bon élève. Et puis, je me plais dans ce garage, j'ai l'impression d'être à ma place.
-Ouais, je comprend ce que tu veux dire. Bon, moi faut que je rentre. J'espère pour toi que ta gaffe va s'arranger. A la prochaine, qui sait.
-T'en fais pas, j'y survivrai. A la prochaine, comme tu dis.
Alex écrasa le mégot de la cigarette sur le sol avant de le jeter à la poubelle, puis les deux ados partirent chacun dans une direction différente. La rencontre avait mis un peu de baume au coeur d'Alex, même s'il redoutait un peu l'arrivée à la maison. La maison ne payait pas de mine, même comparée aux autres qui étaient du même style, un peu vieillot. Il entra en essayant de faire le moins de bruit possible. Peine perdue, parce que son père l'avait attendu. Son père, Alex ne le reconnaissait plus depuis qu'il avait perdu son travail et qu'il s'était mis à boire. Parfois, quand il n'était pas ivre, c'était presque comme avant, mais Alex n'arrivait plus à le voir comme avant, à lui faire confiance.
-Alex ? C'est toi ?
Bon, au moins, il n'est pas encore bourré. -Oui.
-Ta journée s'est bien passée ?
-Oui.
Silence. Comme si des mots pouvaient combler le fossé qui les séparait. Pour une fois, l'espace d'un soir, son père ne but pas, redevenant presque comme avant, bien que ressentant une déchirure quand il comprit la distance qui le séparait de son fils.